Un article de notre dojo dans le « Okinawa times »

Un jour, j’avais 9 ans, je participais à mon premier cours de Karaté à Lorraine où j’habitais…

35 ans plus tard…

Quand la réalité dépasse le rêve ou un article de notre dojo dans le « Okinawa Times », journal diffusé sur l’île où est né le Karaté goju-ryu!

Merci de l’Âme qui salue la vôtre à tous ceux et celles qui ont cru en moi…
à mes parents, mes soeurs, mon frère, mes ami.e.s, mes partenaires de pratique, mes Senseis, mes enseignant.e.s, mes élèves (anciens, actuels et futurs), mes ami.e.s Karatékas du monde…

***

Merci qui vient du cœur et qui ne cesse de grandir chaque fois que j’y pense, au grand journaliste international Miguel Da Luz pour cette entrevue qu’il m’a accordée et la rédaction de l’article dans le « Okinawa Times ».

Merci intemporel à Sensei Jean Frenette qui m’a aussi permis de rencontrer deux Senseis exceptionnels que j’aime profondément qui m’ont accueillie avec tant de générosité chaque fois que je me suis rendue sur l’île des origines : Sensei Tsuneo Kinjo du Jundokan et Sensei Masaji Taira du Kenkyukaï. Vous êtes des inspirations quotidiennes, des modèles édifiants de pratiquants, d’enseignants et d’humains!

Avec reconnaissance infinie pour tous les prédécesseurs, tous les successeurs et tous ceux et celles, toutes générations et toutes nationalités confondues, qui permettent à cet Art noble de continuer de se transmettre et de changer positivement le monde!

Que notre Passion commune continue de prendre soin de l’humanité physiquement, mentalement et « relationnellement » et qu’elle contribue à sa survie heureuse!

Traduction de l’entrevue complète :

1. Où et quand êtes-vous né ?

Je prends un moment pour vous remercier du fond du cœur de me proposer cette entrevue. Je tiens à vous en exprimer ma profonde reconnaissance.

Je suis née à Laval, au Québec, Canada en 1978.

2. Où habitez-vous actuellement ?

J’habite à St-Colomban dans les magnifiques Laurentides au Québec, Canada.

3. Quelle est votre profession ?

J’ai l’immense privilège d’être artiste martiale, d’enseigner le karaté-do à temps plein et d’œuvrer à son développement, de vivre de ma passion depuis la fin de mes études universitaires.

4. Quand avez-vous commencé le karaté et avec qui ?

Après avoir vu le célèbre film Karaté-kid, j’ai commencé le karaté-do en 1987, à l’âge de 9 ans auprès de Sensei François Gauthier à Lorraine.

5. Comment avez-vous commencé le Goju-ryu et avec qui ?

Comme le dojo où je suivais mes cours était nouveau et que mon Sensei de l’époque avait besoin d’aide, j’ai commencé à assister dans les cours à l’âge de 12 ans et j’ai commencé à enseigner lorsque j’ai passé ma ceinture noire à 15 ans.  Je pratiquais à ce moment le yoseikan.

En 2003, mon professeur a décidé d’opérer un changement de style du yoseikan au shorin-ryu traditionnel.
J’étais alors très enthousiaste de ce changement de style et je mettais beaucoup d’énergie et de temps pour m’y perfectionner.
Peu de temps après ce changement, un peu moins de 2 ans, mon professeur qui était peu présent à ce moment dans son dojo, dans lequel j’évoluais depuis 18 ans et pour lequel j’enseignais depuis 12 ans, a demandé à me rencontrer.  Il m’a alors annoncé, sans me donner d’explication précise à mon sens, que je ne pourrais plus enseigner ni apprendre au sein de son école.  Il ne voulait pas non plus que je poursuive dans la même association à laquelle il venait d’adhérer.

Quand cela est arrivé, j’en ai été profondément bouleversée, ma vie a basculé, mais je comprends avec le recul, qu’il s’agissait là d’un passage nécessaire pour la suite des choses…

Je comprends que c’est cette profonde douleur que j’ai réussi à canaliser et qui m’a donné l’énergie d’ouvrir mon école bien plus rapidement que je ne l’avais envisagé…  Ce qui en apparence semblait une catastrophe s’est avéré être un tremplin incomparable.  « Quand les eaux montent, le bateau s’élève…» nous dit Yukio Mishima…
J’avais alors 27 ans.  J’ai fait plusieurs recherches pour trouver un sensei d’une école traditionnelle au Québec.  Entre temps, je poursuivais mon entraînement de façon autonome dans le sous-sol de chez mes parents avec mon partenaire martial de l’époque Eric Paul-Hus qui avait décidé de me suivre.  Un de mes amis m’a alors proposé de me mettre en lien avec Jean Frenette, ancien champion mondial de karaté, qui pratiquait le goju-ryu authentique d’Okinawa depuis 1990.
J’ai rencontré Sensei Jean Frenette en avril 2005.  Sensei Jean et les karatékas de son dojo situé sur la rive-sud de Montréal, nous ont accueillis à bras et à cœur ouverts!

Je me souviens avoir été aussitôt séduite par les katas de Goju-ryu que je trouvais absolument magnifiques, et que j’avais curieusement l’impression de connaître avant même de les apprendre…
Les techniques d’endurcissement, « ude tanren » que nous avions aussi en shorin-ryu, mais que nous ne pratiquions guère en yoseikan, me plaisaient aussi énormément.
J’ai également eu un coup de cœur pour les « renzoku kumite », l’enchaînement continue des katas avec partenaire, que je n’avais vu dans aucun autre style auparavant…
Et que dire du kata respiratoire « Sanchin » et du sublime « Tensho » qui m’ont rapidement fascinés, et des maximes que l’on accorde à Miyagi qui me rejoignaient absolument…
« Quand votre main s’élève, rabaissez votre humeur, quand votre humeur s’élève, rabaissez votre main… »
« La vraie victoire, s’est défaire votre nature de base.  Ce triomphe est de loin supérieur à toute victoire sur un adversaire. »
«  La stratégie ultime est de vaincre à travers la vertu et la persévérance, pas par le combat. »
La circularité des blocages, la proximité du partenaire, les positions si ancrées, cette combinaison harmonieuse de beaucoup de souplesse et d’un peu de dureté sont d’autres aspects qui ont particulièrement retenu mon attention.
Et comme au départ, j’étais venue au karaté après avoir été charmée par le film Karaté-kid qui met en scène Sensei Miyagi, il n’y avait aucun doute pour moi, j’étais arrivée là où, sans le savoir, j’allais ;).

6. Quand avez-vous commencé à enseigner le Goju-ryu ?

J’enseigne le goju-ryu depuis l’ouverture de L’École martiale à l’automne 2005, j’enseignais déjà le karaté-do depuis 12 ans à ce moment.  Les circonstances expliquées ci-haut ont faites en sorte que je pratiquais le goju-ryu depuis peu, mais de façon vraiment intensive, quand j’ai commencé à l’enseigner.  Je poursuivais ma formation tout en enseignant, ce que je fais avec passion depuis 17 ans maintenant et que j’aspire à continuer de faire toute la vie durant car je trouve tellement enrichissant et motivant de toujours être en situation d’apprentissage.  J’ai mis en application l’adage qui dit que « le meilleur moyen d’apprendre est d’enseigner. »  Le karaté-do est à mon humble avis un art d’être, de percevoir et d’aborder le monde, une école où l’on continue d’apprendre pendant toute la vie.

7. Votre dojo, L’École martiale, quand l’avez-vous ouvert ?

En septembre 2005.

8. Combien d’élèves s’y entraînent ?

À ce jour, plus de 300 élèves âgés de 4 à 70 ans (sans compter les élèves des écoles primaires où j’enseignais également en parascolaire avant la pandémie) s’y entraînent avec ardeur!
J’ai enseigné à plus de 20 000 citoyens depuis l’ouverture de l’école et à plus de 10 000 élèves et enseignant.e.s dans les écoles primaires et différents organismes communautaires de la région.

9. Supervisez-vous d’autres dojo au Canada ? Si oui combien et où?

Non, pas actuellement.  Je me suis toujours dit que je devais connaître tous les prénoms des karatékas qui fréquentent mon dojo, cette approche humaine est très importante pour moi.  Toutefois, si notre approche, notre philosophie, notre vision, notre mission peuvent inspirer d’autres dojos et d’autres pratiquants à travers le monde, nous en serions ravis.  C’est notamment la raison pour laquelle je suis heureuse de participer à cette entrevue.

Ma vie est en ce moment suffisamment remplie par de passionnants projets visant à construire ensemble « le monde d’après la pandémie », le mieux-vivre citoyen et le vivre-ensemble.

10. Votre dojo est-il lié à une association à Okinawa ? 

En ce moment, L’École martiale n’est pas liée « officiellement » à un dojo à Okinawa, toutefois elle est liée de cœur à deux Senseis que j’admire et j’aime profondément et auprès desquels j’ai vraiment hâte de retourner quand la situation sanitaire de la pandémie le permettra qui sont, pour moi, des exemples édifiants de Senseis et de pratiquants exceptionnels : Sensei Masaji Taïra du Kenkyukaï et Sensei Tsuneo Kinjo du Jundokan. Grâce à mon Sensei Jean Frenette, je les ai rencontrés pour la première fois en 2005 et 2006.  Chaque fois que j’en ai l’occasion, je me rends auprès d’eux pour bénéficier de leur enseignement et pour côtoyer leur grande et touchante humanité.


11. Quand avez-vous visité Okinawa pour la première fois et à quelle occasion ?

J’ai visité Okinawa pour la première fois en 2004 après avoir complété mes études universitaires. Je suis partie un mois avec un ami de karaté.  Nous sommes allés jusqu’au Nord du Japon à Hokkaïdo, puis nous nous sommes dirigés vers le Sud pour prendre un bateau jusqu’à Okinawa et pour nous y entraîner.  Je voulais visiter le berceau de l’art que je pratiquais depuis 17 ans à l’époque.  C’est justement à Okinawa, que j’ai reconnue comme ma Sœur, que j’ai décidé que j’allais vouer ma vie au développement et à la transmission du karaté-do, que j’allais en faire ma profession.  Je savais que je n’aurais pas assez d’une vie entière pour m’y consacrer, alors, le choix s’est fait naturellement.

Depuis, je suis retournée à Okinawa en 2015, 2017 et 2019.

12. Quel est l’un de vos meilleurs souvenirs de vos visites à Okinawa ?

Essentiellement, je vais à Okinawa pour l’entraînement et pour revenir à moi-même car pendant toute l’année de septembre à juillet, je me consacre à l’enseignement et à différents projets rassembleurs. C’est donc pour moi un précieux temps d’introspection qui me permet de me recentrer, de m’assurer que je suis toujours alignée sur mon fil rouge, que j’agis toujours en harmonie avec ce que je ressens profondément, que mon quotidien fait sens.  Comme je veux être à l’entraînement le soir venu et que mes Senseis habitent à Naha, que j’aime beaucoup les espaces verts, je suis allée visiter presque tous les parcs de Naha.  Parmi mes meilleurs souvenirs figurent assurément ces après-midis à marcher et à méditer au Sueyoshi forest park.

Impossible de passer sous silence, les soupers partagés si conviviaux après les soirs d’entraînement qui réunissent autour d’une même table, des gens de tous les pays, de toutes les générations qui croient au pouvoir positivement transformateur de l’art du karaté-do et qui choisissent d’y vouer une partie sinon toute leur vie.  Ces amitiés intergénérationnelles et internationales sont, pour moi, une source intarissable de motivation!

Pour toujours au cœur de ma mémoire :

Un lever de soleil à Cap Edo…
Les fonds marins et la rencontre avec une tortue des mers à l’île Aka…
Une randonnée dans la rivière à Tataki falls…
Lors d’un jour de canicule, le sourire de la dame à l’arrêt d’autobus qui nous a généreusement donné et fait découvrir par le fait même, le fruit du dragon…
Entendre le vent souffler lors d’une méditation zazen au petit matin, le lendemain d’un typhon, l’accueil souriant du moine au temple et sa touchante humanité…
Le chant des cigales…
Être profondément émue en lisant cet extrait de l’exposition permanente du Musée Karaté-Kaikan :
« Avant la guerre, le karaté féminin n’était pas publiquement reconnu.  Ce n’est qu’après la guerre que les femmes purent se lancer dans le karaté.  Il semble que celui qui ait rapidement permis aux femmes de pratiquer cet art martial est Miyagi Chojun.  Quand il reprit l’enseignement en 1948, dans sa demeure à Tsuyoba à Naha, il supprima l’interdiction faite aux femmes d’entrer dans les dojos et ouvrit la voie au karaté féminin. »

13.     Selon vous, qui ont été les pionniers du karaté au Québec ?

Afin de mieux répondre à cette question, j’ai demandé à Sensei Jean Frenette et à Sensei Gilles Dufour qui a écrit un ouvrage sur l’histoire du karaté au Québec.

Voici leurs réponses communes :
– Ari Anastasiadis (1956)
– Ame Fabvre (1957)

Quelques années plus tard, Sensei Jean Frenette, reconnu internationalement, a assurément grandement contribué à l’essor du karaté traditionnel.

14. Concernant le karaté au Québec, est-il majoritairement pratiqué par les enfants ou adultes ? 

Au sein de notre dojo, le pourcentage est environ 50% enfants et 50% adultes, à mon avis, cela est assez représentatif de la pratique du karaté traditionnel au Québec.


15.     Pouvez-vous nous parler de « Œuvres martiales » ? Qu’est-ce qui vous a amené à créer ce types de spectacles ?

Les œuvres martiales sont des créations originales proposant l’amalgame de l’art dramatique, la musique, les arts numériques et les arts martiaux.  Elles se veulent universelles, intemporelles, questionnant le sens de la vie et en lien avec nos valeurs profondes.

À mon humble avis, il est important que le dojo ouvre ses portes au reste du monde.  Je trouve vraiment dommage que, le plus souvent, l’art martial ne soit accessible que par un petit nombre d’adeptes, c’est-à-dire ceux et celles qui le pratiquent.  Or, à mes yeux, le karaté est un art, au même titre que la musique, l’art visuel, le théâtre ou la danse par exemple, dans le sens où il est un moyen de « rendre l’âme visible ».  Il n’est pas nécessaire d’être un musicien pour aller entendre un concert et se laisser porter et transformer par la musique…  C’est donc dans un désir de partage de l’art à un plus grand nombre que l’idée de la création des œuvres martiales m’est venue.  Mes études en littérature et ma maîtrise en création littéraire ont assurément contribué à me donner envie de faire valser les mots avec les arts martiaux.

De plus, je crois que l’harmonie mondiale que je considère comme l’un des objectifs ultimes de la pratique martiale ne peut s’opérer qu’à travers un dialogue et une ouverture à l’Autre et à la différence.  L’œuvre martiale qui se veut universelle et intemporelle, propose justement un dialogue entre différentes formes artistiques, le karaté-do, le théâtre, la musique, les arts visuels et numériques, le cinéma, etc.  L’œuvre martiale questionne le sens de la vie et aspire à lui en donner par le message qu’elle véhicule, elle souhaite humblement participer au ré-enchantement du monde!  Je crois fondamentalement que le karaté forge à la fois le corps et l’esprit et j’ai le sentiment que cette seconde dimension est souvent malheureusement évincée de la pratique.  C’est notamment la raison pour laquelle j’ai intégré à tous les cours des ateliers réflexifs* qui consistent à la fin de chaque cours à réfléchir ensemble sur un sujet donné.  L’œuvre martiale est aussi le prolongement de ces ateliers réflexifs qui visent à nourrir et enrichir l’esprit.

Notre dojo ayant bien grandi au fil des années accueillant un nombre croissant de karatékas, cela nous a permis d’avoir un public de plus en plus grand.  Avant la pandémie, nous avons même fait salle comble à quelques reprises.  De plus, le fait d’aborder de grandes problématiques sociales et humaines dans les œuvres nous a donné envie de faire plus que de passer un message…  Nous avons donc décidé de faire « œuvre utile » et d’ajouter une dimension « solidaire » aux œuvres martiales.  Nous avons choisi de remettre les profits à des organismes d’ici et d’ailleurs (car pour nous l’entraide n’a pas de frontières) oeuvrant pour une humanité plus solidaire.  Nous avons également créé un comité de financement afin de solliciter des Partenaires et de ramasser des sommes plus importantes pour les organismes.

L’an dernier, à cause des mesures sanitaires imposées pour freiner la propagation de la COVID-19, nous ne pouvions réunir les spectateurs dans une même salle.  Nous nous étions engagés moralement avant le début de la pandémie à remettre les profits des œuvres martiales 2020 et 2021 à Karuna-Shechen, fondée par Mathieu Ricard, qui œuvre auprès des populations les plus défavorisées de l’Inde, du Tibet et du Népal.   Pour honorer notre engagement, nous avons fait preuve de courage et de créativité, tout en travaillant avec détermination, nous avons fait migrer l’œuvre martiale théâtrale solidaire en œuvre martiale cinématographique.  Le Fil invisible* est une réflexion à travers une œuvre de fiction au sujet de notre interdépendance positive.  Grâce à la générosité de tous les donateurs et grâce au profit de la vente pour le visionnement de l’œuvre cinématographique, nous avons réussi à remettre 15 000$ canadiens à Karuna-Shechen alors que nous étions en pleine pandémie.

* Bande-annonce Le Fil invisible : https://www.facebook.com/lecolemartiale/videos/860022501532893

* Les ateliers réflexifs :

L’atelier réflexif consiste à regrouper les élèves pendant 5 à 20 minutes au début ou à la fin d’un cours et à réfléchir ensemble sur un sujet déterminé (la durée de l’atelier est variable selon la durée du cours).  Il peut être plus passif (acquisitions de connaissances géographiques, historiques, culturelles, artistiques, etc. ou lecture de contes martiaux, contes zen ou essais philosophiques) ou plus actif (rédaction d’un code de samouraï moderne ou bushi (guerrier) d’aujourd’hui, réflexions écrites seul ou en groupe et partage de ses réflexions, brèves explorations artistiques orientales, échanges liés à nos expériences personnelles, discussions philosophiques, etc.) mais il demande toujours un effort intellectuel.  Il sert essentiellement à « muscler le cerveau », à développer l’esprit, à faire le pont entre ce-dernier et le corps.

Principaux objectifs des ateliers réflexifs : Voir page d’accueil du site de L’EM:
https://lecolemartiale.com//

16. Quels sont vos projets futurs liés à « Œuvres martiales » ?

Nous souhaitons saisir cette « opportunité » que présente, à notre avis, cette fenêtre historique unique, espérons-le, c’est-à-dire ce passage vers l’ère post-pandémique pour bâtir ensemble le « monde d’après ».

Nous nous sommes posé ces questions : « Que voulons-nous voir davantage émerger dans ce monde d’après ?  Quelle est la cause des problématiques sociales actuelles ? » Après mûres réflexions, lectures, observation, nous pensons que ça serait en grande partie : le manque de considération mutuelle qui engendrerait les différentes problématiques sociales… Nous voulons donc agir pour une plus grande considération entre les différentes humanités afin de participer à notre façon, après deux ans de pandémie, à la guérison de notre monde.

Tenant compte également des enjeux planétaires avec lesquels nous devons et devrons conjuguer : la crise climatique et le climat politique tendu dans plusieurs pays qui engendreront des crises migratoires sans précédent et également des crises sociales au sein de notre communauté (par exemple : hausse de violence armée chez les jeunes à Montréal ou encore les inégalités que la pandémie a mises davantage en lumière), s’inspirant de la phrase d’Einstein : « Tout le malheur des hommes vient du fait qu’ils se croient séparés du reste du monde » et souhaitant poursuivre notre processus de résilience collective en encourageant le soutien social, en ayant une mission et en tentant de donner du sens à l’épreuve, nous avons décidé de monter de nouveau l’œuvre martiale solidaire L’Autre continent qui véhicule notamment le message que « le seul bonheur possible est celui de tous » et de remettre les profits aux organismes qui s’impliquent auprès des familles immigrantes et réfugiées.  Afin de contribuer à un mouvement de société visant à construire ensemble le « monde d’après », nous souhaitons vivre une collaboration avec d’influents partenaires éducatifs, culturels et artistiques de notre région.  Une rencontre est prévue avec ces partenaires à la mi-mars pour présenter le projet et explorer les pistes de collaboration.

17. Qu’est-ce que vous a apporté le karaté ?

Je vouerai pour toujours un respect indéfectible au karaté-do.  Il m’a notamment permis de vivre quotidiennement une vie en cohérence avec mes aspirations profondes.  Il m’a aussi permis de rencontrer des humains extraordinaires (autant mes Senseis que mes partenaires de pratique et mes élèves) et ce, à travers le monde.

Ayant étudié en littérature pendant plusieurs années, j’avais surtout découvert la « face sombre de l’être humain ».  Or, en côtoyant les gens qui fréquentent mon dojo, en menant avec eux des projets visant le mieux-être citoyen individuel et collectif, en contribuant, une petite mission à la fois, à l’amélioration de notre monde, au fil du temps, je suis devenue une humaniste aguerrie et j’ai développé une foi maintenant inébranlable en l’humanité.

Le karaté est pour moi un pilier inexpugnable pour aider à traverser le Difficile.  Il m’a enseigné que l’adversité est en fait une alliée sur la voie car elle nous permet de nous élever.  L’enseignement et la pratique du karaté des années durant m’ont aidée à développer mon « esprit shoshin », mon esprit du débutant, à cultiver et à entretenir ma capacité d’émerveillement ce qui donne tellement plus de sens au quotidien et qui alimente l’énergie nécessaire pour œuvrer à l’amélioration de notre monde.

Me familiariser avec les arts japonais en général m’a aussi permis de comprendre que ce qui importe n’est pas le résultat mais plutôt l’attitude que l’on adopte à chaque pas sur le chemin.
Le résultat découlera simplement de cette « attitude juste ».
Dans nos sociétés qui se veulent ultra-performantes où l’anxiété fait des ravages, cette façon de concevoir la réussite m’apparaît vraiment bénéfique et apaisante et me permet de focaliser sur l’essentiel, qui est, à mon avis, l’état d’être et la façon d’agir avec l’autour chaque jour.

Le plus important est que le karaté me fait sentir pleinement vivante et me donne le goût de vivre et de transmettre ce désir de vivre en étant à l’écoute de son cœur, de son intuition tout en oeuvrant, selon ses talents, ses forces, ses qualités à une humanité unie qui co-habite avec toutes formes de vie sur terre.

18. Quels sont selon vous les charmes majeurs du karaté ?

Le karaté s’adresse dans un premier temps au corps. Ce qui est absolument fascinant et que j’ai l’immense privilège de constater quotidiennement, grâce à 29 année d’enseignement du karaté, est que cette pratique corporelle forge en même temps l’esprit* et qu’elle peut entraîner des changements positifs qui aident les pratiquants à mener une vie davantage en cohérence avec ce qu’ils sont véritablement, une vie plus épanouie et plus riche de sens.

J’ai le sentiment que le karaté, lorsqu’il est pratiqué de façon sincère, de sorte que la motivation devienne de plus en plus intrinsèque et ne dépende plus d’un regard extérieur et d’une récompense au bout du parcours, conduit chacun à lui-même et l’aide à trouver sa place en ce monde, à tisser son avenir avec celui de la trame universelle.

Le karaté est selon moi une voie royale pour s’engager vers un mieux-être individuel et collectif.  Le karaté permet la mise en lien entre différentes humanités, il permet le pont entre différentes générations et différents pays et, comme sa survie et son développement dépendent de la transmission, cela engendre un respect mutuel à la fois intergénérationnel et international.

Le rituel qui encadre la pratique du karaté, notamment le salut en « mokuso » au début et à la fin d’un cours, permet d’œuvrer en même temps qu’à une meilleure santé globale à la quiétude de l’âme.

De plus, il est rare de pratiquer un art toute une vie durant dans le but, « de ne jamais avoir besoin d’y recourir », comme nous le rappelle Miyamoto Musashi dans son ouvrage Gorin-no-sho, le Livre des cinq roues.  En principe, la pratique de l’art martial comme du karaté, devrait éventuellement mener à une plus grande maîtrise de soi, à un plus grand contrôle de soi.  Selon des études scientifiques récentes en psychologie positive, la maîtrise de soi est un des facteurs qui contribuent grandement à une vie plus heureuse et plus épanouie.

*Voir les Mantras du guerrier : https://lecolemartiale.com//mantras-du-guerrier/


19.     En dehors du karaté, qu’aimez-vous faire ?

Ayant remarqué que le mouvement est bon pour l’âme, qu’il nourrit grandement mon énergie et qu’il me permet de mieux focaliser sur ce que souhaite jour après jour, j’ajoute toujours une activité physique cardio à mon entraînement de karaté, selon les saisons, je fais du vélo de montagne, de la randonnée pédestre et du ski nordique.

J’aime aussi méditer, lire, écrire, visionner des conférences passionnantes ou des films de répertoire, créer des projets rassembleurs intergénérationnels afin d’œuvrer à une humanité de plus en plus solidaire, au mieux-être citoyen et au mieux vivre ensemble par tous les moyens possible en commençant par entretenir des relations de qualité avec les gens que j’ai le bonheur de côtoyer quotidiennement!

20. Avez-vous un proverbe ou dicton préféré, lié ou non au karaté ?

Afin de faire régner le silence au sein du dojo, afin de les encourager à être dans l’action, je répète souvent à mes élèves : « Karaté faire, karaté pas parler. »

Je trouve que ce proverbe rappelle aussi l’importance de privilégier toujours l’entraînement au présent plutôt que de relater nos exploits passés.  Je crois aussi que la transmission la plus efficace se passe de mots, elle s’effectue plutôt dans la sensation engendrée par la pratique, par une intégration, une intériorisation du corps plutôt que par une opération mentale qui essaie de rationaliser.

Et j’imagine le Maître qui, en guise de réponse à l’interminable question du Disciple, garde le silence, se tourne vers la fleur et se met à marcher.

***

J’ai envie de vous citer ici une courte histoire zen qui a été, pour nous, un point de mire pendant cette pandémie et qui continue de guider nos actions:

L’Élève dit : « Maître, je suis découragé, que faire? »
Le Maître répond : « Encourage les autres. »

Et cela fait écho à ce que vous avez fait naître en moi, un sentiment d’encouragement qui donne plus de sens à ma mission de vie, en m’accordant avec tant de gentillesse cette entrevue!

Avec profond respect, je vous salue bien bas!